Je ne résiste pas à vous faire découvrir une nouvelle tirée du blog Rrose Selavy est une cousine à moi
LES TAOULERES...
Tout avait pourtant si mal commencé. Lui, débordé, dépassé, dépité. Bref, plein de trucs en "dé" franchement désagréables et il fallait que je l'aide à déconnecter. Mais à J-14 du début des congés, pas la moindre idée de notre destination, juste l'envie, le besoin, que dis-je l'absolue nécessité de débrancher. Mes talents d'organisatrice étaient mis à rude épreuve mais j'avais une réputation à tenir...ou pas. Parcourant compulsivement les sites de locations de vacances, j'étais comme un parisien cherchant une place de parking un samedi soir vers Bastille: consciente qu'il me faudrait plus qu'un miracle pour parvenir à mes fins mais pleine d'espoir malgré tout. À nos dates, première semaine d'août, c'était comme chercher un ventilateur dans les rayons d'Auchan un troisième jour de canicule. À nos dates, restaient le chalet de montagne à la décoration digne d'un épisode de Derrick (sommaire, datée et caca d'oie) ou la villa de luxe à piscine à débordement et services d'un chef étoilé à 3000 euros la semaine. Quand ma petite étoile Roger (oui c'est son nom, ne cherchez pas son origine il n'y en a pas) a noté mon désarroi, elle a utilisé son pouvoir 2.0 et une annonce pour une délicieuse maison d'hôtes dans les Landes s'est affichée sur mon écran d'ordinateur. Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre qu'une chambre était disponible à nos dates; pourvu, alors, qu'elle fut aussi délicieuse en vrai qu'en photos. Il y avait peut-être un loup...
Savez-vous ce qu'est une voix qui sourit? Gisèle est de celles qui ont une voix qui sourit. Lorsqu'elle décroche le téléphone pour me guider alors que nous sommes un peu perdus à seulement 1km de notre destination, j'entends son sourire. Elle n'a l'air nullement agacée par mes explications hasardeuses et décousues. Guidés donc par sa voix, nous découvrons notre sweet-home pour une semaine, jolie maison nichée à la lisière d'une petite forêt. Et nous voilà accueillis comme des membres de la famille qui viendraient participer à une cousinade.
Que dire de cette jolie villa si ce n'est qu'elle est à l'image de ses heureux propriétaires: chaleureuse, généreuse et douce. Dans le jardin c'est un feu d'artifices de mille couleurs: hortensia, zinnia, cosmos, pois de senteur, lavande, roses, agapanthe, glycine, autant de pierres précieuses comme une parure au cou d'une belle fille qui la porterait avec candeur, sans rien savoir de sa valeur. Derrière la maison, un enchantement de saveurs. Les fruits et légumes poussent avec bonheur comme si quelqu'un, le soir, leur contait les plus beaux vers de la poésie française. Ou peut-être était-ce un orchestre philharmonique qui viendrait leur jouer les airs les plus raffinés du répertoire classique. Mûres, framboises, raisins, courgettes, tomates de toutes espèces et tailles, aubergines, fraises… Une petite cabane dans les arbres, décorée comme un cabinet de curiosités, fait la joie des enfants pendant que les parents se prélassent sur la terrasse, à l'ombre du grand chêne.
Guy, notre hôte, connaît tous les secrets de sa région. Il dégaine ses cartes et ses anecdotes avant même que vous n'ayez formulé vos souhaits d'aventures, plus fort que le génie de la lampe. Lui, si volubile et locace, cache une grande sensibilité derrière des cascades de plaisanteries. Elle, Gisèle, toujours une gourmandise sur le feu, reçoit avec bonheur les câlins des enfants, et donne bien plus qu’elle ne reçoit…
En parler, leur faire de la publicité, ébruiter ce “bon plan” comme on dit? On hésite… Ce serait comme dévoiler un secret jalousement gardé, révéler l’emplacement de la petite crique difficilement accessible ou du spot de plongée aux poissons colorés. Et puis on se dit que le bonheur c’est pas égoïste, ça se partage.
Et si d’aventure, un grand type venait vous faire l’article sur son canoé, y revenant plusieurs fois, histoire de ne pas se faire oublier, ne dites pas non, laissez vous faire… Tout ce que vous risquez c’est juste de passer un moment magique au fil de l’eau et au milieu des libellules.
Je n’aime pas faire des promesses dont je ne sais si je pourrai les tenir. Dans le doute je m’abstiens. J’y ai laissé un peu de mon coeur aux Taoulères. Mais qui sait? Peut-être un jour viendrai-je le récupérer…
(avec la conscience aigüe que les choses qui passent ne reviendront jamais mais avec la gratitude infinie qu’elles aient eu lieu...)